Replaçons tout de suite ce disque dans son contexte : 3ème album du projet allemand AGRYPNIE après F51.4 (2006) et Exit (2008, chroniqué dans ces pages web), et pas de grands changements à l’horizon, la base du line-up studio étant la même que celle d’Exit, à savoir l’indéboulonnable membre fondateur Torsten Hirsch (chant, guitare, claviers, composition) et le batteur René Schott. Le bassiste Carsten Pinkle a néanmoins laissé sa place à un certain Phil sur 16[485]. Le projet s’est également entouré d’un line-up Live constitué notamment de Patrick Baumann à la guitare, bassiste chez feu-NOCTE OBDUCTA. Et parlons justement de NOCTE OBDUCTA car après un (excellent) Sequenzen Einer Wanderung sorti il y a deux ans dans des conditions bizarres (mis en bacs plus de deux ans après l’enregistrement à cause de problèmes de label et peu de promotion), le groupe a, semble-t-il, cessé d’exister une bonne fois pour toutes (et encore, en surfant sur Metal-Archives tout en écrivant cette chronique je me rends compte que leur statut est « On Hold »). J’en profite néanmoins pour dire qu’il n’est pas trop tard pour s’intéresser à ce groupe si ce n’est déjà fait, groupe qui n’a peut-être malheureusement pas eu l’exposition et la renommée qu’il méritait, et qui a sorti de bien bonnes choses tout au long de sa carrière plutôt prolifique, avec des débuts assez avantgardistes.

Dès sa fondation, le projet AGRYPNIE semblait donc avoir une destinée toute tracée : succéder à NOCTE OBDUCTA, et en particulier à la deuxième période, celle délivrant un Black atmosphérique typiquement germanique (surtout mis en valeur par le dyptique Nektar). Torsten a en effet pris le parti dès F51.4 de nous balancer les habituelles mélodies emplies de mélancolie propres à son groupe principal, bien qu’il n’en était que le chanteur. Mais il lui manquait un album pour se confirmer et non s’imposer en tant que simple suiveur ou apôtre de la continuité, un disque capable de garder le meilleur de NOCTE OBDUCTA tout en permettant à AGRYPNIE de devenir un projet plus personnel. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est ainsi que 16[485] réussit à devenir une révélation. Un peu moins « dépréssif » que F51.4 et un peu moins rentre-dedans que Exit, 16[485] est, disons-le tout de suite, une franche réussite. En effet, AGRYPNIE est parvenu à corriger un défaut de ses précédents disques : le manque d’accroche. Aussi bons étaient F51.4 et Exit, on n’en retenait pourtant pas grand-chose, si ce n’est les atmosphères très prenantes. Assez classiques, ces 2 efforts étaient amputés du « truc en plus » qui fait toute la différence. Et ce truc a enfin été trouvé sur 16[485], à savoir une pelletée de riffs terribles. Que ce soit dans les leads mélodiques, les breaks mélancoliques ou les passages plus rapides et directs, tout fait plaisir à entendre dans cet album. Les morceaux, malgré leur longueur (de 6 à 11 minutes pour une durée totale de 73 minutes), ont des schémas assez simples qui font qu’ils entrent facilement dans le crâne pour ne plus en ressortir, aucun titre n’est en-dessous des autres et l’album ne souffre d’aucune baisse de régime. Ainsi, en utilisant les meilleures atmosphères de NOCTE OBDUCTA et en y ajoutant un riffing excellent de bout en bout, Torsten a trouvé l’alchimie dont je parlais plus haut. L’album navigue donc dans des eaux mélancoliques typiquement germaniques, comme sur les superbes morceaux que sont "Kadavergehorsam", "Verfall" et "16[485] / Brücke Aus Glass" (avec une magnifique partie ambiante centrale pour ce dernier), et sur des pistes particulièrement efficaces comme "Der Tote Trakt" et son départ canon, "Schlaf" et son refrain inoubliable, "Zorn" plus rentre-dedans avec des riffs assez percutants dans l’ensemble, et "F15.2" qui contient tout ce qu’il y a de bon chez AGRYPNIE : riffs mélodiques ou plus incisifs géniaux et ambiance épique comme jamais. Torsten est particulièrement inspiré et AGRYPNIE est au sommet de son art sur cet album. Le chant est excellent également, un peu moins arraché que sur les précédents, mais de toute beauté. La production est plutôt organique et donc parfaitement calibrée pour le style, bien qu’il faille un petit temps d’adaptation au son de batterie (enfin, c’est toujours mieux que la BAR de F51.4). Et AGRYPNIE garde toujours son petit côté mystique dans ses fameux numéros de partout (le titre de l’album, les intro et outro "Figur 109-3" et "Figur 109-1", "F15.2") ainsi qu’avec son livret assez « spécial » où les paroles ne sont qu’un patchwork de polices d’écriture (quasi illisible !), et avec sa pochette très épurée mais très évocatrice.

J’avoue avoir du mal à trouver mes mots. 16[485] est un album tout simplement magnifique, de loin le meilleur album d’AGRYPNIE et NOCTE OBDUCTA confondus. La seule chose que j’ai envie de vous dire c’est d’écouter, et de vous laisser emporter par l’atmosphère triste et saisissante de ce disque. Si vous appréciez certains projets d’outre-Rhin comme FARSOT, GEÏST ou NAGELFAR, ainsi que les moments les plus épiques de NEGURA BUNGET, vous ne pourrez qu’être conquis par 16[485], qui enchaîne mélodies inoubliables et riffs qui déboîtent, le tout dans une ambiance juste superbe. Etant donné que NOCTE OBDUCTA n’a (pour moi) jamais eu le succès qu’il aurait du avoir, il est temps de se rabattre sur AGRYPNIE, et de se délecter de son Black atmo germanique qui n’est pas loin d’atteindre le summum du genre sur cette pépite qu’est 16[485]. Presque un chef-d’œuvre et donc, que du bonheur !

L’album est également disponible en édition deluxe dans une DVD-Case A5, mais hélas sans bonus track.


Rédigé par : ZeSnake | 17.5/20 | Nb de lectures : 16594